L'AMX50 d'une masse de 60 t présentait
toutes les caractéristiques d'un char puissant : canon de
120 mm, blindage inclinés de forte épaisseur, moteur de 1
000 ch et système de chargement semi-automatique des munitions
d'un
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Decoupe
technique de la tourelle
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concept semblable à celui de l'AMX-13 dont il partageait l'architecture
de tourelle oscillante. Différentes considérations condamnèrent
le projet : en premier lieu, son prix que ne pouvait supporter
une France convalescente et, en deuxième lieu, la montée en
puissance des charges creuses antiblindages qui se voyaient
intégrées sur les premiers missiles antichars (SS11, ENTAC)
et les obus tels que l'obus G développé par l'Institut Saint-Louis.
Une école de pensée se développa alors chez tous les bélligérants
potentiels de la guerre froide, prônant la conception de chars
plus légers comptant sur leur agilité et leur puissance de
feu pour survivre : le Leopard 1, l'AMX-30 et le T-62 sont
nés de cette école de pensée. seuls les Britanniques restèrent
fidèles au char lourd à blindage épais et développaient le
Chieftain.. alors que l'AMX-30 était depuis peu en fabrication,
l'armée française lançait une réflexion très prospective sur
le système d'arme destiné à lui succéder sans qu'il fût obligatoirement
question d'un char, car, à cette époque, beaucoup d'officiers
voyaient en l'hélicoptère de combat le
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Groupe
Moteur du char Leclerc
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futur roi du champ de bataille, compte tenu de la posture
particulière qu'occupait l'armée française dans le dispositif
de l'Alliance atlantique : en deuxième échelon et en préparation
de tirs d'armes nucléaires tactiques. En 1977, un rapport
rédigé par les généraux Monteaudoin et Preault recommandait
que l'engin principal de combat (EPC) terrestre prît la forme
d'un char au sens commun du terme. Cette décision fut suivie
par le lancement des études de concepts, tâche
confiée au GIAT, bras industriel de la direction technique
des armements terrestres. Ces études intervinrent au moment
où aux Etats-Unis les prototypes du concours XM1 étaient évalués,
alors que l'Allemagne roulaient les Leopard 2 en prototypes
et que Israël filtraient les premières informations sur le
Merkava. A l'instar de l'ouverture d'esprit qui avait prévalu
dans la réflexion de
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Decoupe
technique du moteur du char Leclerc
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stratégique sur la nature sur la nature de l'EPC, on demanda
aux ingénieurs du Giat, et plus particulièrement à ceux du
bureau d'étude de l'AMX-EPX, de sortir des solutions et architectures
traditionnellement retenues jusqu'à présent. On demandait
à l'EPC de vaincre un ennemi blindé-mécanisé supérieur en
nombre (dans un rapport de 1 à 3) en gagnant quatre batailles
: la bataille de l'information et du commandement par l'emploi
de systèmes d'acquisition d'objectifs tous temps et une connexion
permanente avec les moyens de suivi de situation tactique
; la batille des feux par l'emploi d'un armement délivrant
précisément des projectiles antiblindés à longue portée de
jour comme de nuit ; la bataille de la mobilité par l'emploi
d'un très fort taux de la motorisation et d'un
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Decoupe
technique de la coque
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train de roulement à grandes performances permettant aux EPC
de se déployer rapidement , de se disperser pour éviter les
frappes de représailles (artillerie, aviation) et de se concentrer
au moment décisif pour porter des coups mortels à l'ennemi
; la bataille de la protection par la combinaison d'une forte
protection ballistique et de moyens de dispersion liées à
la mobilité. Le travail des ingénieurs de l'AMX-APX fut d'autant
plus délicat qu'ils ne disposaient d'aucun composant réel
disponible. De la chenille au viseur de toit, tout n'était
qu'au stade de papier et les pressions des
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Découpe
de la tourelle du char Leclerca
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industriels français étaient suffisamment fortes qu'aucun
emprunt de technologie à l'étranger ne soit envisagé. L'EPC
était présenté comme une vitrine technologique et chacun voulait
en être. Cependant, au moins deux décisions techniques avaient
d'ores et déjà été prises : celle d'armer
l'EPC d'un canon de 120 mm à âme lisse conforme à l'accord
franco-allemand sur le standard d'armement futur des chars
et l'emploi de la technologie hyperbare pour la propulsion,
de préférence à diesel classique suralimementé. Il se trouve
qu'à la même époque, le bureau d'étude de l'AMX-APX menait
d'autres développements de chars : ceux de la version B2 de
l'AMX-30, de l'AMX-32 et de l'AMX-40 plus spécialement destiné
à l'export. Bien qu'il n'ait pas rencontré les succès commerciaux
que l'on aurait pu attendre eu égard à ses hautes performances,
l'AMX-40 constitua un excellent exercice technique pour les
équipes de Satory et de Bourges (Centre d'étude armement et
munitions), qui purent mieux appréhender tous les aspects
liés à la haute mobilité, au tir en marche, à la mise en oeuvre
de l'armement de 120 mm et de ses munitions et à l'intégration
des premières solutions de blindages composites modernes.
Des projets de versions plus lourdes (53t), telles que l'3e4"
destiné au marché égyptien, et dotées d'une protection balistique
de haut niveau, faisaient jeu égal avec le Leopard 2, char
de référence il y a vingt ans. si bien que ses promoteurs
allaient jusqu'à défendre l'idée de l'AMX-40 pouvant remplacer
une partie du parc AMX-30 en utilisant les budgets consacrés
à la modernisation dite "B2" et en dotant l'armée
française d'un excellent char de transition en attendant l'EPC.
Une référence armée française aurait sûrement augmenté les
chances de vente de l'AMX-40 à l'export (le Valiant britannique
et l'Osorio brésilien partageaient aussi avec l'AMX-40 l'infortune
de n'être point choisis par leurs armées nationales). Cependant,
une telle acquisition aurait pu constituer la menace d'un
report , voire d'une annulation pure et simple du projet EPC,
et l'idée fut écartée. L'armée française avait d'autres
ambitions que de se doter d'une copie du Leopard 2 et voyait
dans l'EPC de troisième génération l'occasion de prendre quelques
longueurs d'avance techniques et opérationnelles sur les autres
armées. L'exploration des solutions techniques EPC fut
donc animée d'une réelle volonté d'innovation et, signe des
temps, un seul concept parmi tous ceux étudiés conservait
l'équipage classique de quatre hommes, tandis que les autres
étaient servis oar un trio de tankistes à l'instar des réalisations
russes contemporaines, le T-64 et le T-72. L'autre hardiesse
technique fut le dessin de plusieurs tourelles à armement
en superstructure permettant de descendre l'équipage en châssis,
avec deux variantes, équipage fixe disposé à l'avant ou équipage
en panier solidaire en gisement de la tourelle. Enfin, l'implantation
d'un groupe motopropulseur à l'avant fut aussi étudiée. aux
deux extrémités du spectre technique et par ordre croissant
d'innovation, se tenaient donc le TC3 (TC pour tourelle conventionnelle),
char conventionnel (quatre hommes, GMP arrière), guère différent
d'un M1 ou d'un Leopard 2, et l'AS22 (armement superstructure,
trois hommes, GMP avant), sorte de Merkava sur lequel on aurait
posé une tourelle de char expérimental suédois UDES. Un voie
médiane fut suivie avec la présélection de deux concepts :
le TC2, à équipage réduit à deux hommes en tourelle, chargement
automatique et GMP arrière, et l'AS12 permettant de conserver
les avantages de l'arme en superstructure ( masse réduite,
protection équipage). La propulsion avant ne fut pas retenue
en raison essentiellement des craintes ressenties concernant
les conséquences sur les optiques de la présence d'une source
chaude à l'avant du char. Celle-ci était , en effet, susceptible
de perturber les performances des caméras thermiques. Des
résultats remarquables de haute mobilité furent cependant
obtenus à
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VHM3
char test pour le domaine de la mobilité
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l'aide du VHM 3 ( véhicule haute mobilité n°3) et des suspensions
à grand débattement. Le VHM 3 était en fait un châssis AMX30
"retourné", mais dont le train de roulement comportait
une innovation très intéressante : le barbotin flottant. Ce
système dûment breveté, combinait les fonctions classiques
d'un barbotin ( transmettre la puissance aux chenilles par
engrènement) et celle d'une poulie de tension. Ce système
permettait d'obtenir une tension de chenille optimale en fonction
du couple transmis ainsu que la faculté de s'effacer sur les
obstacles frontaux sans que la mécanique ne subisse de choc.
En 1979, et alors que le choix du concept restait à faire,
la France et l'Allemagne en gagèrent à nouveau des discussions
pour parvenir à développer en commun un char de combat. Les
Allemands possédaient quelque avance sur les Français puisque
le Leopard 2 roulait depuis cinq ans. Aussi la
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Vedys
, véhicule test pour la suspension oléopneumatique
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recherche d'un partage équitable fut elle difficile voire
impossible à trouver, puisque les Allemands,
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BR
1 banc roulant N° 1
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ne voulant pas renoncer au châssis du Leopard 2, proposaient
aux Français de partager la tourelle, cette dernière forcément
équipée du canon Rheinmetal. Il restait aux français l'électronique
, et cela même fut inacceptable pour les Allemands qui en
réclamaient la moitié. Ce partage, plus une divergence de
fond sur le calendrier de mise en service , précipita l'échec
de la coopération franco-allemande, après celui de la coopération
germano-américaine (MBT-70) et germano-britannique (MBT-80).
En fait, la surenchère allemande était le fait des industriels
qui acceptaient mal l'idée qu'un EPC franco-allemand technologiquement
très avancé, puisse faire de l'ombre au
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Mulet d'observation
, validation de l'optronique
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Leopard 2, en étant ainsi contraints de partager le marcher
de l'OTAN avec les Français. En 1983, le TC2 à tourelle plate
deux hommes et chargement automatique fut adopté pour l'EPC.
Divers bancs roulants et mulets furent construits pour valider
les différentes technologies : moteur hyperbare de 1 500 ch,
boîte automatique et suspension à barres de torsion pour
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VHM
1 véhicule test pour la motorisation
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les 1 BR, 2 BR et 3 BR ( bancs roulants), suspension oléopneumatique
pour le Vedys (véhicules d'essais dynamiques de suspension),
chargement automatique pour la TCA (tourelle chargement automatique),
optronique pour le Mulet optronique et la motorisation électrique
pour le TME (en fait une T105 d'AMX-30 modifiée). Au cours
du Salon d'armement Satory X de 1985, on pouvait observer
des " morceaux " du futur char de combat. En janvier
1986, l'EPC fut officiellement baptisé char Leclerc par Paul
Quiles, ministre de la Défense de l'époque, au cours d'une
importante présentation du programme aux hautes autorités
politiques et militaires. La TSC (tourelle système complet),
rassemblant les composants " feu " (canon, viseurs,
pointages, conduite de tir, chargement automatique), fut assemblée
en 1986. Une fois intégré sur le châssis 3 BR, elle donna
naissance au MSC ( Mulet système complet), très représentatif
de ce que serait le fonctionnellement le futur char Leclerc.
Par ailleurs les caissons de blindage composite étaient testé
sur les champs de tir de Bourges, intégrés entre autres sur
des vieux châssis de M47. Six prototypes de développement
et de qualification furent fabriqués : les trois premiers
à l'AMX-APX, les trois suivants à Roanne afin de démarrer
la qualification du processus industriel. Par rapport au MSC
, ces matériels présentaient deux différences majeures : ils
intégraient les blindages composites de configuration quasi
série et étaient dotés des éléments de suspension oléopneumatiques.
Chaque prototype était plus ou moins dédié à la qualification
d'une fonction majeure feu, mobilité, intégration système
et protection. le cinquième prototype Estienne (du nom
du général, père des chars en France) fut celui qui subit
les pires outrages puisqu'il permit de valider la protection
balistique. On le déplaça donc vers Bourges où il servit de
cible à tous les projectiles flèches, charges creuses, ou
mines prévues par la spécification opérationnelle. Ayant montré
la qualité de ses blindages, il est actuellement conservé
toujours intact, dans un établissement de la DGA. En 1990,
le Leclerc faisait sa grande apparition en public au cours
du salon Satory. Les tôles des premiers exemplaires de série
étaient alors en phase de découpage dans les centres de production
Roanne et de Tarbes. En décembre 1991, une cérémonie de remise
à la DGA du premier char Leclerc de série eut lieu en présence
de Madame la Maréchale Leclerc. Cette même année 1992 devait
être marquée par un évènement d'une importance considérable
la première campagne d'essais aux Émirats arabes unis. Le
premier Leclerc de série EMAT France effectua une campagne
réussie d'essais de mobilité et de tir dans des conditions
terribles de l'été émirien par des températures supérieures
à 50°. Le char fut doté pour l'occasion d'une climatisation
montée sur le toit de la tourelle, préfigurant dans un sens
l'équipement de série adoptée par l'EMAT quelques années plus
tard. La production de char Leclerc de l'armée de terre
est formée de trois séries, elle-mêmes divisées en tranches
de production annuelles. La série 1 comprend les tranches
1 à 5 jusqu'au rang de production 134. Les tranches T1 et
T2 doivent être considérées comme des productions de présérie,
les 17 chars correspondants ont servi à l'évaluation
opérationnelle intensive. Ces matériels sont aujourd'hui affectés
à la formation des maintenanciers ou sont prêtés au constructeur
GIAT Industries pour servir de support à la validation d'évolutions
et de modernisations opérées tranche après tranche. La configuration
des autres matériels de la Série 1 (T3, T4, T5) les destine
plus particulièrement aux opérations Centre-europe. Ce sont
d'ailleurs des chars T5 qui opèrent au Kosovo. Les chars de
la série 2, tranches 6 à 9 jusqu'au rang 310, intègrent des
équipements les rendant aptes à la projection sur des théâtres
d'opérations tropicaux ou désertiques. extérieurement , les
modifications les plus visibles par rapport à la Série 1 portent
sur l'installation d'une climatisation blindée sur le toit
de la tourelle, des coffres et galerie en nuque, le déflecteur
pare-boue sur le glacis, et le refroidisseur d'huile de barbotin
en forme d'ailettes. Les chars de la dernière tranche T9 bénéficient
en outre, d'un accroissement de la performance de détection
par remplacement de la caméra Athos par une nouvelle caméra
thermique Iris de deuxième génération au viseur tireur : le
viseur chef conservant le système d'intensification de lumière
propre aux Séries 1 et 2. Enfin la série 2 +, tranches 10
et 11, sera produite dans une configuration très évoluée comprenant,
outre les modifications de la Série 2, des évolutions importantes
dans les fonctions protection, communication et observation
- détection. La seule grande fonction non touchée est la mobilité,
car les performances et le niveau de fiabilité obtenus tant
par le groupe motopropulseur V8EX/ESM 500 que par le train
de roulement et la suspension sont considérés comme répondant
parfaitement aux besoins opérationnels de l'armée de terre
et très en avance sur les autres chars, ennemis ou concurrents
potentiels. pour faire face aux menaces à venir, type projectiles
flèche de nouvelle génération en développements, et charges
creuses équipant les projets de missiles futurs, Giat Industries
a mis au point des blindages de nouvelle technologie. L'installation
de ces blindages sur les chars de la Série 2 + se fera par
simple remplacement des anciens blocs de protection amovibles.
Le concept de blindages rapportés lancé par le Leclerc dans
les années quatre-vingt prouve avec la Série 2 + toute sa
pertinence technique et opérationnelle. Il n'est donc pas
étonnant que cette idée ait fait son chemin à l'étranger pour
des chars tels que le Leopard 2, le Merkava ou le Type 98
chinois. Les blindages Série 2 + modifieront légèrement la
forme de la tourelle en partie avant essentiellement. Les
capacités de communication et de commandement seront considérablement
améliorées par l'introduction au poste chef du système Icone
(interface de communication ergonomique). Icone est un dérivé
du système d'information terminal V1 qui équipera les AMX-10RC,
les VBL Reco et les premiers véhicules blindés de combat d'infanterie
(VBCI). Icone se présente sous la forme d'un écran tactile
couleur couplé à un calculateur. Ses fonctions vont de la
cartographie, à la navigation en passant par la présentation
de la situation tactique, la gestion des états logistiques,
les alertes contacts ennemi et NBC, la préparation de mission
et la rédaction de messages graphiques. Ce véritable multiplicateur
de force entre les mains des chefs de peloton et des capitaines
commandants d'escadron va accroître l'efficacité des Leclerc
en gérant l'information opérationnelle en temps réel. Les
progrès accomplis par l'électronique en matière de détecteurs
seront appliqués au Leclerc Série 2 + sous la forme de deux
caméras Iris de deuxième génération intégrées aux viseurs
tireur (idem T9) et chef (en remplaceme,nt de l'intensificateur
de lumière). En outre, un télémètre laser équipera le viseur
chef. Le Leclerc voyant plus loin et plus précisément bénéficiera
sur ses adversaires potentiels d'un avantage décisif. Ses
caméras à hautes performances couplées à Icone transformeront
le Leclerc en un véritable capteur tous temps de renseignements,
profitant de sa mobilité et de sa protection pour évoluer
dans des environnements très variés ; autant de capacités
très précieuses pour les opérations de contrôle de zone. Les
chars de Série 1 des tranches 3,4 et 5 ont subi (T5) ou vont
subir (T4 puis T3) une remise à hauteur de leur configuration
en empruntant à la Série 2 quelques-unes de ses améliorations
parmi lesquelles l'implantation de logiciels plus récents
dans certains calculateur ou l'amélioration du système de
fûts largables. Les chars reçoivent les nouveaux coffres arrière
de la tourelle, une trappe de plancher pour le tireur pare-boue
de glacis. En revanche, ils ne seront pas équipés de la climatisation.
Ces chars prennent l'appellation RT5, RT4 et RT3.